Dans la série « on accumule toutes les emm..des », nous re-voici au top.
Le premier propulseur étant terminé sur le plan mécanique, il est temps maintenant de passer aux essais. On plonge donc l’hélice dans un seau d’eau (car les collages n’ont pas encore été faits, des fois que, et on laisse donc le moteur à l’air libre), on branche sur l’alimentation avec variateur de la perceuse 12V et on envoie les Watts.
Ca brasse à la perfection et la poussée semble au rendez-vous. Mais au bout d’un moment, ça commence à sentir le chaud, et une légère fumerole monte du moteur. Arrêt en catastrophe, et séchage express.
Le moteur est brûlant. Il faut dire que l’intensité moyenne enregistrée est de 5A environ, le tout sous 12V. Cela nous fait une puissance absorbée de 60W, et par conséquent une dissipation thermique par effet Joule d’environ 24W (le rendement de ce type de moteur n’est que de 60% au mieux de sa forme, selon les données constructeur). Si vous avez déjà touché une ampoule électrique de 24W, vous pouvez comprendre que ça fait quelques degrés d’élévation de température.
Mauvaise limonade 🙁
Bon, sachant que dans la réalité on va alimenter ce moteur en 6V pour le faire tourner moins vite, il serait peut-être bon de faire le test avec cette tension. OK, on remonte chercher l’alim de labo réglable et on recommence. C’est moins terrible, mais ça reste chaud quand-même, et je crains qu’additionné au fait que le compartiment sera hermétiquement clos en fonctionnement normal, notre moteur ne soit pas capable de tenir pour un aller-retour rive / lieu d’expérimentation, et encore moins quand il s’agira de traîner un filet à plancton. [1]
Grosse crise de rage, et on plante tout de déception. D’habitude, je range toujours l’atelier en fin de journée, mais là, j’avais trop les boules. Fin du premier round avec défaite du constructeur.
Et si...
... on refroidissait le moteur ?
Il y a bien la solution du serpentin avec circulation d’eau, couramment employée en modélisme pour les bateaux de course, mais ça commence à devenir compliqué. De plus la circulation d’eau ne pouvant être suffisante avec la seule vitesse de déplacement du radeau, il faudrait y ajouter une pompe. Trop tordu.
Et puis je me suis souvenu qu’un passionné de petits sous-marins radio-commandés expliquait qu’il faisait tourner ses moteurs dans l’eau, sans aucun problème.
Comment cela peut-il fonctionner, surtout si on se rappelle la triste fin du célèbre Claude François ?
Ne tentez JAMAIS ce qui est décrit ci-après avec autre chose que de la très basse tension, c’est à dire 12V au grand maximum. De plus, faites attention à ce que les appareils alimentés par le secteur, ainsi que les prises de courant et rallonges ne soient en aucun cas exposés à l’eau.
Nous ne pourrons être tenus responsables de tout incident, voire accident, survenu lors de vos éventuelles expérimentations personnelles.
Impatience maximale jusqu’à la prochaine session, et ruée vers l’atelier le WE suivant pour tester cela.
Avant les TDs, il faut se farcir l’amphi
Pour commencer, contrairement à la croyance populaire, l’eau pure ne conduit pas le courant. Si vous ne me croyez pas, vous pouvez le vérifier sur Wikipédia (rubrique eau distillée).
La raison en est simple : une matière ne conduit l’électricité qu’à condition qu’il y ait des charges électriques (électrons et/ou ions) libres en son sein. Là aussi je n’invente rien, et si vous voulez tous les détails, retour sur Wikipédia, rubrique Conductivité électrique.
Or la molécule d’eau pure est strictement neutre sur le plan électrique. L’eau ne devient conductrice que si on en modifie la composition en y ajoutant ajoutant des composés chimiques (du sel par exemple), ce qui va créer divers ions lors de la dissolution (de chlore et de sodium dans l’exemple du sel), ou en modifiant son pH, en libérant des ions H+ ou OH- selon le cas. Dans les deux cas de figure, il y a apparition d’ions. L’eau du robinet par exemple est légèrement conductrice, du fait de sa minéralisation naturelle, et des produits désinfectants ajoutés (chlore très souvent), mais cela reste faible ainsi qu’en témoigne l’illustration suivante :
Cette mesure a été faite en espaçant les pointes de touche d’à peine 1cm. On enregistre presque 460kOhm, ce qui veut dire qu’avec une tension de 6V, on aura un courant de fuite de seulement 13µA. Autant dire rien, en comparaison des 5A consommés par le moteur.
Et on peut faire encore mieux :
– en remplaçant l’eau pas du liquide de refroidissement pour auto, on monte à 700kOhm
– en utilisant du White-Spirit, la résistance n’est pas mesurable avec le multi-mètre, et en fait elle est quasiment infinie. En effet, le White-Spirit est un solvant organique, et les solvants organiques ne sont pas conducteurs.
D’ailleurs, si vous voulez en voir plus, voici une illustration par la vidéo de diverses expériences de conductimétrie (vidéo au format XviD empruntée avec leur accord au Lycée Camille Pissaro) :
Et Claude alors ?
Mais alors, comment se fait-il que notre regretté Claude François se soit électrocuté dans sa baignoire ?
Tout simplement parce qu’avec le secteur EDF, on ne parle plus de 6V, mais de 230V efficaces, et donc de 325V en crête. En étant parfaitement sec, le fait de toucher des fils sous cette tension est déjà fatal, car la résistance électrique du corps humain n’est pas très élevée (n’oublions pas que nous sommes composés à 80% d’eau, et saline qui plus est) et qu’il suffit de quelques dizaines mA pour déclencher une tétanisation musculaire et donc un arrêt respiratoire, voire cardiaque. Si la peau est mouillée, voire immergée, on diminue encore plus la résistance de contact, et le courant résultant n’en sera que plus fort.
Conséquence : COUIC 🙁
Pour être très précis sur ce sujet, très important dans la mesure où il concerne la sécurité, voici de plus amples détails.
– seuil de sensibilité au niveau du système nerveux : 0.45 mA
– seuil de perception cutanée : 1 mA
– seuil de déclenchement d’une contraction musculaire : 10 mA (à partir de 15 mA, on n’est plus en mesure de commander le relâchement de l’étreinte, et donc de se libérer)
– paralysie ventriculaire : 30 mA
– arrêt cardiaque : 1 A
– dommages irréversibles au système nerveux : 2A
– au-delà, brûlures graves, etc, etc...
La résistance approximative du corps humain (traversée complète) n’est que de l’ordre de 10kOhm. Et elle diminue bien entendu avec l’humidité cutanée, due simplement à la sueur par exemple.
Ensuite, le conséquences dépendent aussi du fait que le courant passe au voisinage d’organes sensibles (le coeur par exemple) ou non.
Et enfin, une petite précision en matière de terminologie. Si on est électrocuté, on est mort. Quand on prend le jus, on est électrisé selon la terminologie officielle C’est pour cela que les plaques qui sont apposées sur les locaux ou équipements dangereux parlent de soins aux électrisés, et non de soins aux électrocutés, car ceux-là, ce n’est malheureusement plus la peine de les soigner 🙁.
Si après tout cela, il n’est pas reconnu que POBOT a une orientation pédagogique et une contribution à la diffusion des connaissances scientifiques, je crois que je vais tout laisser tomber et aller élever des chèvres dans le Larzac !!
Et si on revenait à nos moutons ?
Vous constatez qu’on reste dans le domaine de l’élevage ovin 🙂
On va en faire quoi de tout cela ? Et bien, on va tout simplement faire tourner notre moteur dans un liquide qui évacuera les calories vers les parois du compartiment. Celles-ci baignant dans l’eau, elles pourront les dissiper dans le milieu ambiant, sachant que de plus le PVC conduit assez bien la chaleur (on utilise des tubes PVC pour les circuits échangeurs des installations de chauffage par pompe à chaleur).
Et pour vous montrer que ça marche, voici des preuves (photos réalisées sans trucage) :
– à l’arrêt :
– en marche :
Ce qui dépasse à gauche est le moteur lui-même, et le câble d’alimentation ainsi que le domino de connexion sont directement dans l’eau.
Ca a fonctionné comme cela non-stop pendant une demi-heure, et le moteur se porte toujours comme un charme. On enregistre une sur-consommation liée au freinage du rotor du fait qu’il ne tourne pas à l’air libre mais dans un liquide, mais ce n’est pas dramatique.
La décision est prise : notre compartiment étanche sera donc... intégralement inondé.
Quel liquide utiliser ?
Le White-Spirit serait le mieux, car :
– étant un solvant organique, il est isolant sur le plan électrique, comme vu précédemment
– il a une faible viscosité, et freinera donc moins le rotor
– il est gras, et fait donc office de lubrifiant et d’hydrofuge
MAIS :
– il est toxique pour l’homme (et aussi pour la femme)
– il est nocif pour l’environnement
– s’il se forme une poche de gaz et qu’elle atteint le collecteur du moteur, il y a risque d’explosion du fait des étincelles
Verdict : on oublie
Le prochain candidat est l’eau douce :
– peu conductrice (le mieux serait d’ailleurs d’utiliser de l’eau déminéralisée, et de la renouveler régulièrement pour en éviter la pollution par les infiltrations externes éventuelles)
– sans danger
MAIS :
– risque de corrosion des parties métalliques du moteur, à moins de démonter celui-ci régulièrement et de le vaporiser d’hydrofuge (genre WD40)
Reste le liquide de refroidissement pour moteur automobile :
– il est peu conducteur (moins que l’eau)
– il est non-corrosif (sinon, je ne donnerais pas cher du radiateur et du bloc moteur de votre voiture)
– il ne s’attaque pas aux durites et autres éléments en caoutchouc et assimilé
– les formules actuellement utilisées en font un produit non toxique pour l’être humain et sans danger pour l’environnement.
Conclusion : il semble donc qu’on tienne notre candidat.
Yapuka essayer pour de vrai...